Il me plait de croire, puisque personne ne le saura jamais, que si La Fontaine m'avait lu, il m'aurait adoré
On ne mijote pas avec sa victime.
Aux parages de Marengo, Lieu d’impériale défaite, Un loup bavait devant un veau Au souvenir d’une recette. Sans trop se rappeler tous les ingrédients, – Peut-être quelques échalotes, Plus certainement des carottes – Il savait qu’il fallait mettre du veau dedans. Sa mère en cuisinait dans sa prime jeunesse Il en humait encor des bribes de fumet ; En éduquant son goût avec délicatesse Elle l’avait rendu moins gourmand que gourmet. Des champignons ! Voilà ! Du persil. Des tomates... Que fallait-il encore ? Il alla demander Au veau s’il convenait d’ajouter des patates Afin, précisa-t-il, de mieux l’accommoder. « Non, non, lui répondit l’animal tendre Et malgré tout malin. Ta liste ne dit pas comment s’y prendre ; Le secret, c’est le vin. Celui de Marengo n’est pas si dégueulasse, Mais la sauce est meilleure avec du blanc d’Alsace. Et le loup s’en alla sur les rives du Rhin Où l’on déguste aussi la bière et la choucroute ; Tout en les dégustant il oublia le vin, Alors qu’à Marengo, paisible, le veau broute.