Outre-fables

Il me plait de croire, puisque personne ne le saura jamais, que si La Fontaine m'avait lu, il m'aurait adoré

Le veau marin


Élevé sous la mer …

Sur une île perdue au bout de l’océan
Où Neptune, un jour las, déposa son séant
Une vache intrigante, à l’abri d’une digue,
Venait de mettre bas le fruit de son intrigue ;

La faune médisante, adepte des ragots,
La disait peu sujette aux devoirs conjugaux,
Façon d’imaginer l’auteur de sa grossesse.
Les vaches ! direz-vous. Pas plus qu’une autre espèce…
Dans la foule concierge un âne intelligent Recherchait le propos le plus désobligeant À poser sur le veau, si tant est que la vache Eut accouché d’un veau dans l’ombre de sa cache. « Qui nous dit, brayait-il qu’elle vêle un broutard ? Un père a-t-il promis d’élever le bâtard ? » Une vipère dit qu’en vertu charcutière Le veau, le plus souvent, s’élevait sous la mère. Et l’âne de railler qu’un fils adultérin S’élevant sous la mer était un veau marin, Tandis que la vipère affûtait dans sa langue Les meilleurs des soufflets de sa propre harangue. Elle allait déverser la crème de son fiel Quand Neptune parut par la porte du ciel. Venait-il visiter les traces de ses fesses ? Ou bien réprimander les âmes pécheresses ? Eh bien ni l’un ni l’autre au grand soulagement Des princes du ragot et du dénigrement.
veau 6« Mon frère, tonna-t-il, exige en sacrifice Un animal en chair et dépourvu de vice. » L’âne crie aussitôt, comme braie un bourrin, Que derrière la digue est né le veau marin, (1) Animal symbolique à vocation d’offrande, Surtout lorsque c’est Zeus qui passe la commande. Neptune jette un œil sur le coin dénoncé Et revient au mouchard qui l’a donc balancé : « Ce veau possède bien la tête d’un cobaye, Mais il n’est pas marin et ne fait pas la maille. Puis-je te proposer jouer les substituts ? Si Zeus trouve en ton sang le goût de tes vertus On chantera la gloire à la gent asinienne, Prenant la place au veau de l’offrande olympienne. » Lorsque le général recherche un volontaire, La meilleure réponse est souvent de se taire. (1) Interdit de jetée, au juste prohibé, C’est l’opprobre du bain contenant le bébé.

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Cette entrée a été publiée le 3 juillet 2012 par dans Herbivore, Mammifère, et est taguée .